jeudi 1 mars 2007

Qu'est-ce qui attire le plus et coûte le moins cher ?

Cette question fut sûrement celle que le groupe de travail réuni autour du quotidien Direct Soir du Groupe Bolloré assisté de Jacques Séguéla a dû se poser au début de l'année 2006 comme en.. 1833 pour le New York Sun aux Etats-Unis.

Ce titre proposait pour la première fois aux lecteurs un quotidien pour 1 cent au lieu de 6 et se fit une spécialité des faits divers sensationnels, moins onéreux à l'époque que l'information proprement dite. Qu'on se le dise, le sensationnel a toujours, même si 160 ans d'histoire l'ont modernisé, cette caractéristique d'être moins onéreux que l'information.
Un certain type de presse gratuite, par sa nécessité à devoir capter les foules les plus vastes, est-elle condamner à verser dans le sensationnalisme, le people ou le sport ?

Ce qui peut paraître effrayant, c'est que l'information la moins onéreuse soit celle qui attire le plus les lecteurs et a fortiori, l'éditeur qui souhaite le plus attirer des lecteurs à moindre frais. Aux Etats-Unis, il existe une presse gratuite culturelle gratuite qui s'est transformée au fil des années en presse gratuite d'opinion. C'est tout du moins devenu aujourd'hui une presse « qui l'ouvre » (pour reprendre le slogan d'une publicité affichage 4 par 3 de France-Soir). C'est dans la ville où le libéralisme économique est le plus exacerbé qu'une presse gratuite est progressivement passée d'une thématique culturelle à des thématiques sociales, économiques et politiques au fur et à mesure de la conquête de leur lectorat.

Peut être qu'il faut voir là deux concepts qui s'opposent : celui qui grille les étapes de la conquête d'un lectorat en s'achetant une audience par des investissements publicitaires considérables et le modèle qui, progressivement, gagne petit à petit la confiance d'un lectorat qui avalise l'élargissement graduel des thèmes abordés.

L'année dernière, The Village Voice fetait son 50ème anniversaire outre-atlantique. Certes, cette presse alternative, locale, est aussi sujette à des questionnements, mais elle a le mérite d'exister et son site Internet est un véritable succès.

En France aussi, une presse gratuite d'opinion existe et l'explosion des gratuits généralistes a le mérite de susciter des projets, certes parfois un peu confidentiels mais où de jeunes journalistes se prêtent au jeu d'écrire librement sans contrainte majeure de la part des annonceurs. La « presse culturelle gratuite d'opinion » pour reprendre l'expression de Pierre Leroux* est cependant une micro presse, par le nombre de ses titres, son tirage et les zones géographiques de sa diffusion. La spécificité de cette presse gratuite d'opinion consisterait à forcer le trait de ce qui fait sa différence avec la presse gratuite marchande et passe par une affirmation identitaire forte et une liberté rédactionnelle nouvelle, une réelle ouverture des possibles pour le lecteur qui se saisit du journal, un air frais, non vicié, en dehors des produits lyophilisés, marketés et aseptisés de ses concurrents, un choix qui se situerait, pour le lecteur, entre le Brie
industriel et le Roquefort artisanal. Cette presse dont la vocation est purement culturelle est néanmoins très fragile. La presse d'opinion, sur des sujets économiques, sociaux, politiques ou environnementaux n'existent pas en France.

*Mémoire DESS « développement culturel et direction de projet ». - Université Lumière Lyon II – ARSEC / Formation en Alternance 2001/2002. - Soutenu par Pierre LEROUX sous la direction de Michel RAUTENBERG


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